Ciao brother,
C'est pour moi aussi un puissant questionnement qui s'amplifie au fil des années et c'est sûr que l'inertie ambiante est décourageante et me touche aussi. D'un autre côté, je réalise aussi que cette angoisse a une part artificielle qui se construit et que je construis. Une année sèche en dehors de la perspective du réchauffement n'a pas le même impact psychologique que la même année sèche sans superposition du réchauffement. On fait une projection linéaire sur l'avenir qu'on superpose à ce qu'on vit et la même réalité devient alors insupportable. Quelque part, on se déconnecte du présent en augmentant son niveau d'angoisse et c'est pas très bon non plus tout ça, pour nous comme pour notre entourage. Et puis le regard qu'on est tenté de poser sur ceux qui s'en battent les couilles et consomment comme des porcs est pas très beau non plus, je trouve, j'essaie de surtout pas basculer là-dedans.
Il y a un historien suisse qui a sorti un bouquin sur cette perception de la catastrophe et j'ai trouvé son analyse intéressante, en gros il fait ressortir que cette impression de catastrophe imminente a un double lien avec la religion. Elle en offre la genèse avec cette idée d'apocalypse et de punition, cette responsabilité sur la fin du jardin d'eden, sensation que l'on vit. Et en même temps avec la modernité et la fin de la pratique de la religion vers un mode de pensée plus rationnel, plus mécaniste sur les causes des changements, supprime la fatalité, le projet divin maîtrisé sur lequel les hommes n'ont pas prise et supprime ainsi l'acceptation du changement puisqu'on en devient directement responsable. Ce double mécanisme créant une situation de responsabilité coupable. Et clairement, je trouve que dans certains mouvements de lutte contre le réchauffement, on retrouve des traits assez évidents de mouvement religieux.
Personnellement, jusque-là et sans y trouver une sérénité pleine pour autant, j'ai décidé de commencer par abandonner ce mythe qu'on se construit de la stabilité, cette construction d'un âge d'or qui serait la référence et d'une vision de la nature immuable car ça n'a jamais été le cas, tout est en changement dynamique et c'est une notion à vraiment intégrer, climat compris et même si le changement est lié à l'homme, je nous intègre nous aussi dans la nature. Et je crois que dès le moment où tu pars du principe qu'on a tous plein de capacités à vivre dans un monde changeant, même si c'est moins rassurant, ça devient déjà un peu moins anxiogène. Pour autant et au vu de l'ampleur des changements, je prends pas prétexte là-dessus pour rien faire. J'habite dans un secteur de prairies sèches, avec des sols hyper minces et chez moi ça fait deux mois que la végétation herbacée est sèche et quelques semaines que les arbres ont tourné en mode automne voir ont perdu leurs feuilles encore vertes et sont donc probablement morts. Je me sens en plein désert et je prends la claque en pleine gueule alors qu'à 1heure de route dans les pré-alpes, tout est encore vert et a été arrosé par quelques orgaes, et ils vivent dans une réalité différente. Chez moi, les chênes vont remplacer les autres essences, mais ainsi une autre forêt rejaillira, différente certes mais bien vivante.
J'essaie de pas dire ce que je fais à titre personnel pour atténuer le réchauffement, parce que je trouve qu'on entre vite dans une démarche de recherche de reconnaissance sociale et ça devient alors juste bling bling. Pour agir sincèrement, il faut agir personnellement sans en tirer un gain de reconnaissance sociale donc je détaille jamais mes actions, à moins qu'on me questionne sur un point spécifique. Mais globalement on est dans une optique de décroissance légère et de recherche d'autonomie en faisant le plus possible par soi-même. On essaie de faire tout ça en s'amusant et en tirant du plaisir et de la connaissance, sans en faire un dogme moral à imposer aux autres. Et puis à l'école, j'aborde ça en profondeur avec les élèves, sous forme de données à analyser, on en discute sans se faire croire que les réponses sont simples à court terme mais pour déjà en prendre conscience et je suis frappé d'à quel point ils connaissent peu le sujet, alors qu'ils sont souvent déjà majeurs.
Avec mes youths, qui sont encore très jeunes, on aborde le sujet de manière assez distancée. Je veux leur laisser leur droit à l'innocence, on aura tout le temps d'en parler en grandissant. Et je veux être là pour les aider et les accompagner dans ce futur incertain. C'est un défi tellement immense pour l'humanité que je peux aussi comprendre ceux qui n'y croient pas. Au final ce sera essentiellement un problème pour notre espèce, la biodiversité se reconstituera autrement, comme après chaque changement brutal. J'entends aussi ceux qui pensent que notre espèce ne sait réagir qu'à court terme et et donc trop tard ou encore et que ça ne se fera peut-être simplement pas... Tout en ayant une optique de légère décroissance, je suis à peu près sûr que ce n'est pas ce modèle qui va s'imposer. J'essaie juste d'être cohérent avec moi-même en tenant compte de mes incohérences, de les accepter sans tomber dans un délire de pureté. Rameuter la moitié de la France pour une session soundsystem chez moi où je peux aller à vélo, c'est assez dans le tir
Cette situation est peut-être aussi une belle occasion de changer une mécanique difficile à arrêter. Je crains quand même bien sûr les crises alimentaires, le populisme qui récupère la grogne et toute la merde qui peut déferler en temps incertain, mais ça c'est aussi le signe du changement.